Voyager (6) ... Nicolas Bouvier et l'usage du voyage

Publié le par Jacques de Jonquière (Québec) à 14:30

 Jonquière, Québec

 

 

Nicolas Bouvier

Genève, 1929 - 1998


Article mis à jour en juillet 2012 

 

 

NICOLAS BOUVIER

 

Nicolas Bouvier est un écrivain, photographe, iconographe et voyageur suisse, né le 6 mars 1929 au Grand-Lancy et mort le 17 février 1998 atteint d'un cancer.

 

"Enfant, il est immergé dans les livres. Grâce à un père bibliothécaire, il lit, dès l'âge de sept ans, tout Jules Verne, Curwood, Stevenson, London et Fenimore Cooper. À l'âge de huit ans, il reçoit un album fantastique, NPCK (les quatre lettres de l'élite de la chocolaterie) dont les images évoquent des pays lointains, des cartes historiques et des scènes fabuleuses : Saigon, Ceylan, Samarkand… Il dira lui-même : " À huit ans, [il traçait] avec l'ongle de [son] pouce le cours du Yukon dans le beurre de [sa] tartine. Déjà, l'attente du monde : grandir et déguerpir " (...)

 

Au choix d'une carrière universitaire, Bouvier oppose celui des grands chemins. Son père lui donne sa bénédiction, avec pour seule condition de tout lui raconter au retour. " Les premières fois que j'ai voulu partir, je n'ai même pas eu à fuguer : mon père m'y a poussé. Lui n'ayant pas pu voyager autant qu'il le souhaitait l'a ainsi fait par procuration " (...)

 

Nicolas Bouvier sera tour à tour poète, photographe, iconographe, homme de radio et de télévision, guide touristique en Chine (pour une petite agence de voyages culturels) et professeur. Un homme à la croisée des chemins, en quelque sorte.

 

Classé parmi les " écrivains voyageurs ", il pointe du doigt la vacuité des étiquettes… Lui préfère se prendre en filature en tant que " voyageur voyeur " .( Le Routard )

 

"Il est le chantre de l'aventure authentique. La découverte, l'émerveillement, sont retranscrits dans une langue personnelle riche, imagée, sensuelle. Un vrai voyageur doublé d'un vrai écrivain : le classique de la littérature de voyage". ( Écrivains-Voyageurs.net )

 

 

 

 

DES RÉFLEXIONS SUR LE VOYAGE

 

 

Il m'a paru bien vite (…) que la terre (…) nous était donnée comme une vaste merveille à déchiffrer. Avec trois clés reçues dans mon berceau : la lecture, le voyage et l'écriture.

 

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Voyager n'est pas une activité innocente (…) Tous ceux qui ont mené cette existence donneront un doigt de chaque main pour la retrouver un jour : c'est une expérience dont on ne guérit jamais.

 

 

 

 

bouvier

 

Depuis l'âge du collège, Nicolas Bouvier (1929-1998) et Thierry Vernet (1927-1993) ont rêvé ensemble d'accords majeurs avec le monde, par le voyage et par la création. L'un devient écrivain, l'autre peintre : en mots et en images, ils diront ce que l'on ne peut connaître qu'une fois.

 

 

  • "C'est la contemplation silencieuse des atlas, à plat ventre sur le tapis, entre dix et treize ans, qui donne l'envie de tout planter là. Songez à des régions comme le Banat, la Caspienne, le Cachemire, aux musiques qui y résonnent, aux regards qu'on y croise, aux idées qui vous y attendent... Quelque chose en vous grandit et détache les amarres, jusqu'au jour où, pas trop sûr de soi, on s'en va pour de bon.Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu'il se suffit à lui-même. On croit qu'on va faire un voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait".

 

  • "Fainéanter dans un monde neuf est la plus absorbante des occupations".

 

  • "Assez d'argent pour vivre neuf semaines. Ce n'est qu'une petite somme mais c'est beaucoup de temps. Nous nous refusons tous les luxes sauf le plus précieux : la lenteur".

 

  • "La route c'est une école de l'appauvrissement et non de l'enrichissement".

 

  • "Certains pensent qu'ils font un voyage, en fait, c'est le voyage qui vous fait ou vous défait".

 

  • "Comme une eau, le monde vous traverse, et, pour un temps, vous prête ses couleurs. Puis, se retire, et vous replace devant ce vide qu'on porte en soi, devant cette espèce d'insuffisance centrale de l'âme qu'il faut bien apprendre à côtoyer, à combattre, et qui, paradoxalement, est peut-être notre moteur le plus sûr".

 

  • " Privé de son cadre habituel, dépouillé de ses habitudes comme d’un volumineux emballage, le voyageur se trouve ramené à de plus humbles proportions. Plus ouvert aussi à la curiosité, à l’intuition, au coup de foudre".

 

  • "La marche, dont je suis malheureusement privé maintenant, est un moyen de connaissance intellectuel ou spirituel, selon qu'on place la barre très haut ou un peu moins. La marche est aussi un processus de connaissance et d'illumination. D'une part à cause de son rythme, d'autre part parce que, comme il faut vraiment se concentrer sur la façon de poser les pieds, sur où on les met, sur comment ménager son souffle, ça occupe la totalité de l'esprit. Quelquefois, au bout de très longues marches, non pas au but, mais en vue du but, lorsque vous savez que vous l'atteindrez, se produit une sorte d'irruption du monde dans votre mince carcasse, fantastique, dont on ne parvient pas à rendre compte avec les mots."

 

  • "La vertu d'un voyage, c'est de purger la vie avant de la garnir".

 

  • "Je me suis rendu compte - c'est la dernière page de "L'Usage du Monde" - que c'était un état de manque qui m'avait mis sur les routes, de même que c'était un état de manque qui faisait que je me précipitais sur des grimoires dans les bibliothèques. C'est ça qui nous fait courir."

 

 

Bouvier--Le-Vide-et-le-plein

 

  • « Tous les voyages sont ethnographiques. Votre propre ville même, si vous l’étudiez avec la patience, la curiosité et la méthode que les meilleurs esprits mettent à l’étude d’une tribu sauvage, attendez-vous à des surprises. Le quotidien n’existe pas. L’ordinaire n’existe pas. »
  • "Il entre du surréalisme dans l’état de voyage. Le voyageur se doit d’être un voyant (...) Le voyage n’a pas de sens s’il n’est pas justement un chambardement constant des attitudes que l’on avait au départ.(...) Le voyage ne vous apprendra rien si vous ne lui laissez pas le droit de vous détruire. Un voyage est comme un naufrage, et ceux dont le bateau n’a jamais coulé ne sauront jamais rien de la mer (...) Ramasser ce qui est pour moi, et cela seulement. C’est peu mais c’est pour moi. Voilà pourquoi je voyage".

 

 

Bouvier-Routes et deroutes

 

  • "La dialectique de la vie nomade est faite de deux temps: s'attacher et s'arracher. On n'arrête pas de vivre ce couple de mots tout au long de la route. On a peine à quitter les amis que l'on s'est faits, mais en même temps on se réjouit de la chance qu'on a de pouvoir se promener sur cette planète. On se dit, si cette amitié doit durer, elle durera Inch'Allah. Dans la plupart des cas, elle ne dure pas".

 

  • Mais j'ai été très aidé en voyage. (...) On prend son temps, on fait des rencontres, on se dit : tiens, il y a un remarquable joueur de cithare ou un cornemuseur renommé dans la province. S'il n'est pas là, on s'installe une semaine, on l'attend. Quand on l'a écouté, on a eu à peu près ce que la région pouvait vous donner de meilleur et quand on va plus loin, on a des choses à raconter, des musiques à faire entendre. (...) Donc, le voyageur a lui aussi une fonction nourricière. Nous, on nous tuait de questions et moi aussi, quand j'ai voyagé seul. On n'arrive pas les mains vides, on apporte son écot."

 

  bouvier-chronique-japonaise

 

 

  • "Mais c'est le propre des longs voyages que d'en ramener tout autre chose que ce que l'on allait y chercher". 

 

  Bouvier-L'échappée belle

 

  • On voyage pour faire apparaître le monde et connaître avec lui, comme avec une femme, de trop brefs instants d'unité indicible et de totale réconciliation. Ces "illuminations" ne sont d'ailleurs pas le monopole de l'état nomade et peuvent aussi bien tomber comme foudre d'un ciel bleu sur l'ermitage d'un bonze ou la cellule d'un moine franciscain. Il y a des voyants qui n'ont pas besoin de parcourir le monde pour en percevoir la structure, la palette, les harmoniques, son héraldique secrète.

 

 

Bouvier-Les-chemins-du-Halla-San

 

  •  "Si on ne laisse pas au voyage le droit de nous détruire un peu, autant rester chez soi". 

 

UN INTERVIEW

 
 
 
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