Une autre combattante birmane

Publié le par Jacques Beaulieu à 15:45:46

Jonquière-Québec


Mon dernier article sur le Myanmar rendait compte d'une prise de position de syndicats canadiens et québécois demandant au Gouvernement canadien actuel de mettre en oeuvre la politique canadienne concernant le Myanmar. Et on y faisait référence à une jeune femme, Su Su Nway, combattant pour la démocratisation du Myanmar.

Le Devoir, dans son édition d'hier, poursuit la réflexion en donnant la parole à cette femme, récemment libérée de prison.

Voici le compte rendu du journaliste Claude Lévesque.


Su Su Nway a obtenu, l'an dernier, un jugement contre la junte militaire qui dirige la Birmanie, après avoir contesté le travail forcé imposé aux habitants de son village. La jeune femme de 34 ans a de ce fait attiré l'attention de certains médias internationaux et d'organisations de défense des droits de l'homme, dont Droits et Démocratie, qui lui a décerné cette année son prix John-Humphrey.

La lauréate a répondu aux questions que Le Devoir lui a fait parvenir récemment par courriel.

« Je n'obéis jamais à un ordre que je trouve injuste, déclare Su Su Nway. C'est pourquoi j'ai insisté auprès des autorités sur le fait que je ne travaillerais jamais sans être payée équitablement. En outre, j'ai insisté pour que les autorités paient un juste salaire à tous les villageois. Je leur ai aussi expliqué que le travail forcé est illégal.»

Environ 200 personnes avaient été obligés de travailler à la construction d'une route près de son village de Htan Mamaing, situé à proximité de la capitale, Rangoon (ou Yangon), lorsque Su Su Nway a commencé sa campagne en 2004. «Il y avait surtout des femmes et des enfants, car la plupart des hommes adultes doivent aller travailler à l'extérieur pour survivre», explique-t-elle.

Au début de 2005, Su Su Nway a remporté un procès contre les autorités de son village (autorités nommées par le pouvoir central), en se basant sur une loi, rarement invoquée depuis sa promulgation en 1999, qui interdit le travail forcé. Il s'agissait là d'une première, selon l'organisation montréalaise Droits et Démocratie.

Sa victoire a été partielle et de courte durée: le chef du village et son adjoint ont été libérés avant d'avoir fini de purger leur peine, tandis que le juge qui avait tranché en sa faveur a été démis de ses fonctions. Pire, quelques mois après ce premier procès, c'est-à-dire à la fin d'avril 2005, Su Su Nway a été accusée de diffamation par les autorités.

«Ils m'accusaient de ternir leur réputation et de proférer des grossièretés à leur endroit, en vertu des articles 506 e6 294B du Code pénal birman, raconte-t-elle. J'ai proclamé mon innocence. J'ai été arrêtée le 13 octobre 2005, le jour où mon procès s'est ouvert.»

«Les villageois qui voulaient témoigner en ma faveur ont été intimidés par les autorités locales, ajoute la jeune militante. Ces dernières les ont obligés à se rendre d'abord au poste de police avant d'aller témoigner. Un homme a été détenu pendant 24 heures simplement pour avoir voulu m'aider. Je n'ai pas été informée assez rapidement des accusations qui pesaient contre moi et, par conséquent, je n'ai pas eu le temps de préparer efficacement ma défense. J'ai plaidé non coupable, mais le greffier de la cour a inscrit un plaidoyer de culpabilité. Au milieu du procès, le juge a été remplacé par un autre magistrat.»

«J'ai eu à subir du harcèlement et des sarcasmes de la part des autorités pendant le procès, poursuit Su Su Nwai. Je souffre d'une maladie cardiaque. Je me suis blessée en faisant une chute pendant les procédures. L'infirmière qui me soignait a été elle-même intimidée et on l'a empêchée de continuer à me soigner. À la fin, j'ai été reconnue coupable de "ternir la réputation des autorités villageoise et d'avoir proféré des grossièretés à leur endroit."»

Condamnée à 18 mois de prison, Su Su Nway a été libérée après neuf mois de détention en juin dernier, sous la pression internationale, notamment à la suite d'une campagne d'Amnistie Internationale.

Pour Su Su Nway, l'attribution du prix John-Humphrey de Droits et Démocratie est une reconnaissance de ses efforts pour introduire «la démocratie, les droits et la vérité» en Birmanie. Admiratrice d'Aung San Suu Kyi, leader historique de l'opposition birmane et lauréate du prix Nobel de la Paix, toujours en résidence surveillée à Rangoon, Su Su Nway se dit surtout heureuse de voir que «les citoyens du Canada et du monde appuient le combat pour la démocratie en Birmanie».

Depuis sa libération, Su Su Nway répète qu'elle veut «redoubler d'efforts dans [son] combat pour la démocratie et les droits de la personne et pour la paix dans le monde».

«Après avoir été libérée de prison, j'ai fait la même chose qu'avant. Je me promène dans le village et je demande aux gens si les choses ont changé en ce qui concerne le travail forcé. Je les encourage à poursuivre les autorités quand elles agissent injustement. Et pas seulement sur la question du travail forcé, mais par rapport à toute forme d'injustice», dit-elle.

«Je vais persister dans mon combat et je m'attends à être emprisonnée de nouveau. J'ai apporté mon uniforme de prisonnière parce que m'attends à ce que ça arrive tant que la Birmanie ne sera pas démocratique.»

Selon l'opposition birmane et plusieurs organisations de défense de droits de l'homme, le développement des infrastructures et la répression exercée contre certains groupes ethniques incitent la junte militaire, au pouvoir depuis la fin des années 1980, à recourir aux travaux forcés. Certaines sources estiment que près de la moitié de la population birmane y a déjà été soumise de façon plus ou moins régulière.


 

Source de la photo : www.townhall.com/content/51b5e209-989b-4d3d-9....

Publié dans Infos-Birmanie

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A
les combats sont multiples dans tous ces pays defavorisés, heureusement que quelques personnes sont la pour faire le nécessaire<br /> bonne fin de soirée<br /> bzzzzzzzzzzzzzz<br />
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J
Et surtout dans un pays contrôlé par une junte militaire, c'est pas évident de se battre pour ses droits.À la prochaine, AmateurJacques